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Vu à Cannes : "La vie d'Adèle" d'Abdellatif Kechiche

Publié le 23 mai 2013 dans Actu ciné

La vie d'Adèle vacille entre extase et souffrance. Le film choc de la Compétition.
Ça commence au même moment que le film de François Ozon, à l'heure du dépucelage d'une jeune fille. Pourtant, le sexe, Adèle n'y pense pas trop. Ses copines s'en chargent pour elle, la poussent dans le lit de ce beau garçon qui ne la quittait pas des yeux. Déception. Rien à voir avec la promesse du regard échangé avec une fille aux cheveux bleus dans la rue, une clef qui avait soudainement allumé le moteur de sa sexualité. Un regard qui la hante, jusqu'à fréquenter les bars gay où elle trouve cette étudiante de dernière année des Beaux-arts. La curiosité s'installe, l'attirance grandit et enfin la passion explose. Comment va-t-elle assumer avec ses copains, gérer avec ses parents ?

Abdellatif Kechiche semble vouloir poser les questions pour ensuite faire l'impasse. Pas le sujet. Adèle et Emma partagent un appartement, vivent désormais ensemble leurs passions : physiques oui, intellectuelles pas vraiment. L'une s'est lancée dans la peinture et l'autre est devenue institutrice. L'une vit dans sa bulle artistique, l'autre dans la réalité mais néanmoins cachée, pour vivre heureuse. Horizontalement tout va bien, verticalement, de moins en moins; l'une met l'art sur un piédestal et voudrait que l'autre la rejoigne, ne comprenant pas son absence d'ego, son altruisme... 


Lire aussi : notre entretien avec Abdellatif Kechiche 


Le cinéma de Kechiche est à la recherche de la vérité, de la vérité de la passion notamment. Il filme l'amour entre ces femmes comme une conversation physique, un corps à corps. Ce n'est pas un adepte du hors-champ mais de la vérité toute nue. Comme dans Vénus noire, il va jusqu'au bout, jusqu'au malaise. Il veut capter ce langage des corps, ce que dit une bouche quand elle ne parle pas, quand elle dort même, une joue quand elle pleure, un œil quand il ne regarde pas. Il filme à fleur de peau. Sa caméra colle aux acteurs à l'intérieur même de leur zone de confort.

Le spectateur est un voyeur planqué dans le noir, il pense qu'on ne le voit pas. Kechiche l'arrache brutalement, crûment, à son fauteuil et l'installe au pied du lit pour qu'il regarde ces deux femmes qui jouissent aussi bien qu'un nez qui coule. C'est physiquement que le réalisateur s'adresse à lui, physiquement qu'il entend lui faire sentir ce qu'éprouve son héroïne tant dans l'extase que dans la souffrance. Le spectateur sort de ces trois heures avec des bleus (à l'âme), beaucoup d'admiration pour les comédiennes - Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos - et en se demandant si Kechiche lui fait confiance ou si, comme Oliver Stone, il pense qu'il faut beaucoup répéter, beaucoup secouer le spectateur pour qu'il comprenne.

Fernand Denis, à Cannes.

Réalisation : Abdellatif Kechiche. Avec :  Léa SeydouxAdèle Exarchopoulos, Salim Kechiouche,.... 2h59

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