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Vu à Cannes : "Blood Ties" de Guillaume Canet
Publié le 21 mai 2013 dans Actu ciné
Fort du succès aux Etats-Unis de Ne le dis à personne, Guillaume Canet a pu y développer le remake américain des Liens du sang. Pour les réalisateurs européens qui ont le fantasme de tourner Outre-Atlantique, le film noir est bien souvent un repère cinéphilique. Canet n'a pas boudé son plaisir, avec ce récit situé dans les années septante, où Chris (Clive Owen), la cinquantaine, est libéré en conditionnelle après plusieurs années de taule. Son frère Frank (Billy Crudup), détective zélé et efficace, l'héberge à contre-coeur, tout en espérant que Chris va réellement se ranger des voitures.
Canet, qui avait joué dans la version française tournée par Jacques Maillot et inspirée du cas authentique de Michel et Brunot Papet (raconté dans leur livre Deux frères, un flic, un truand), sait qu'il a sujet fort – a fortiori transposé dans le contexte fantasmatique du New York des années 70, qui convoque immanquablement tout un arrière-plan de souvenirs cinéphiles (The French Connection, Serpico, pour ne citer qu'eux, mais aussi les films plus récents de James Gray, qui a coécrit le film avec Canet). Mais souvenirs dangereux voire encombrants. Car il s'agit d'en être à la hauteur.
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Le Français a beau connaître ses modèles, il n'en retrouve pas le rythme ou l'épaisseur. Sa mise en place est longue, un peu laborieuse. Si on est dans du noir, il faut l'assumer et ne pas (trop) s'attarder sur la dimension sociale (l'impossible réinsertion de Chris). Si on veut tourner une scène d'action, il faut y aller à fond : la seule poursuite de voitures du film – après près de deux heures trente de récit – ressemble à un vieil épisode de Starsky et Hutch. De même, la péripétie qui s'ensuit, convoquant là le final de Carlito's Way de Brian De Palma, ne soutient pas plus la comparaison.
Canet a un beau casting à son service. Laissons à Owen et Cudrup le mérite de faire ce qu'ils peuvent et d'habiter leur personnage avec conviction. La présence de James Caan est là pour la nostalgie, mais son personnage apporte finalement peu à la confrontation fraternelle. Mila Kunis est correcte, sans plus. Matthias Schoenaerts bluffe avec son accent si impeccable qu'il n'est même pas nécessaire de lui inventer un pedigree d'émigré. Reste le cas Marion Cotillard : madame Canet n'assume pas de jouer un prostituée camée – elle ressemble plus à une épouse délaissée – et l'incarnation de son personnage de maquerelle est horriblement daté, même pour les seventies.
Au final, malgré une direction artistique impeccable, Blood Ties s'avère un exercice de style laborieux, trop lent et trop long, qui ne nous prend jamais aux tripes comme il se doit dans ce genre de cinéma.
Alain Lorfèvre, à Cannes
Réalisation : Guillaume Canet. Scénario : Guillaume Canet et James Gray. Avec Clive Owen, Billy Cudrup, Mila Kunis, Marion Cotillard,... 2h24