Entamé dans la morosité, le premier
week-end de ce 66e festival se termine dans l’exaltation.
Rincés ou plutôt détrempés badauds et festivaliers avaient le
moral dans les chaussettes ce samedi avant de se raviver le
lendemain. Du côté de la compétition officielle,
Arnaud Desplechin
signe avec
Jimmy P. un film maîtrisé plutôt hermétique dans
lequel
Benicio Del Toro et
Mathieu Amalric excellent. Les
frères
Coen livrent un très séduisant
Inside Llewyn Davis, portrait
touchant d’un chanteur de folk dans le Greenwich Village du début
des années 60 – outre l’admirable interprétation de
Oscar Isaac, le film compte au casting un adorable chat roux aux grandes
moustaches qui à lui seul enchante et conduit à apprécier le film
comme lui du petit lait.
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Le temps toujours le temps. Pourquoi
cette importance ? Comme si le festival de Cannes se limitait aux
plages… Contrairement à la Berlinale, ici la queue se fait dehors
selon un ordre hiérarchisé tout germanique. Et sous 100% de
précipitation, autant dire que cela n’es pas sans conséquence.
Lorsque rejoindre le Palais de festival signifie transformer chacune
de ses chaussures en aquarium, autant dire que pousser le pas plus
loin sur la croisette du côté de la Quinzaine ou de la Semaine de
la critique semble une impossible gageure. On se risque dès lors
timidement au Certain Regard pour être déçu devant
Grand Central
de
Rebecca Zlotowski où l’ensemble du casting n’a jamais été
aussi mauvais – voire simplement mauvais. Le film sur papier
prometteur désole. Malgré les risques sérieux de pneumonies, les «
petits » journalistes accrédités se sont pressés tels des
guerriers armés de parapluies aux grilles qui, pensaient-ils, leur
donneraient accès au film des frères Coen. Mais ce ne fut le cas
que pour une toute petite dizaine d’entre eux. Les plus vaillants
se sont risqués à tenter l’accès à l’ultime séance de la
soirée – en vain pour la plupart, essayant ainsi une journée
décrétée pourrie – tandis que le film de
Kore-Eda Hirokazu était
présenté officiellement au Grand Théâtre Lumière. Du côté de
la croisette, après des interviews les pieds dans l’eau tout au
long de la journée, de nombreuses plages ont été fermées et
autant de soirées annulées. Cannes c’est donc bel et bien du
cinéma ! – voilà.
Dimanche le moral est de retour.
Plaisant hasard que la luminosité retrouvée s’impose également
en salles ! Ainsi Borgman du néerlandais Alex Van Warmerdam est une
petite merveille ! Surréaliste et loufoque, le film esthétiquement
sublime repose sur une écriture délicieuse et nous emporte dans un
univers singulier divinement sarcastique ! (Quel bonheur de savoir
qu’il sera distribué !). Le Coen est enfin accessible et s’avère
délicieux. Une invitation à une soirée se présente, suivie d’une
autre. La journée serait-elle à ce point parfaite ?
C’est sans compter sur la projection
en Séance Spéciale du film Bombay Stories en hommage au 100 ans du
cinéma indien. Addition de quatre court-métrages dont le lien
serait le cinéma, le film assomme, éreinte et ne donne guère envie
de découvrir une cinématographie qui nous reste bien inconnue.
Qu’importe les thématiques abordées tant la balourdise de
l’ensemble est assassine. Si comme la dit Thierry Frémaux lors de
la très longue introduction du film « le cinéma indien va montrer
dans les années à venir des choses extraordinaires », le futur se
conjugue-t-il en dizaines d’années ?
Le perfection n’existe donc pas. Mais
qu’importe. La croisette a enfin – ou malheureusement –
retrouvé sa folie légendaire. Les gens se pressent et se bousculent
afin d’apercevoir l’une ou l’autre star, sans se rendre compte
de qui passe à côté d’eux. Ont-ils vraiment l’espoir de
parvenir à entrer dans les soirées où seuls des sésames donnent
accès ? Bref passage à la soirée de Tip top où l’on ne connait
personne avant de se rendre sur la plage Magnum pour y découvrir –
bien plus tard que prévu – un mini-show de New Burlesque donné
par quelques unes des super-performeuses du film Tournée. Et le
réveil résonne déjà.
Nicolas Gilson
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sur le site Un Grand moment de cinéma