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Gael García Bernal et le pouvoir de l'image

Publié le 4 mai 2013 dans Cinéphiles

A l'affiche de No de Pablo Larraín, Gael García Bernal nous a accordé un entretien. Tout sourire, charmant et disponible, l'acteur mexicain nous recevait tel ami, dans la suite d'un palace parisien. Quand on lui dit qu’on le voit souvent dans des films à caractère politique ou social, Gael García Bernal ne quitte pas son sourire, mais émet un doute : "Vous croyez ?"


Voyons : Babel, Carnets de voyage, Même la pluieNo

D’accord. A mes yeux, un bon film doit avoir un lien avec la réalité qui nous entoure. Même certains films de pure fiction ont souvent une résonance avec l’air du temps. Même Amour, de Michael Haneke, parle de notre époque. Mais c’est sans doute parce que je suis attentif à ça que certains scénarios ont plus d’écho chez moi. Dans ce cas-ci, j’ai trouvé l’histoire incroyable et tellement représentative de notre époque. C’est une belle réflexion, ou méditation, sur la démocratie.


Mais une démocratie qui se vend comme du savon…

Oui, c’est vrai. Mais si on met les faits en perspective, on doit reconnaître quand même qu’après plus de vingt ans de dictature, Pinochet a fini par abandonner le pouvoir avec un référendum démocratique. L’opposition a joué le jeu tout en croyant que le référendum serait frauduleux. Et pourtant, ils ont mené cette campagne médiatique et l’ont gagnée. Ce qui triomphe est donc quand même bien un idéal de la démocratie, y compris en recourant à des médias qui étaient contrôlés par le régime. C’est assez remarquable.


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On peut faire le lien avec toutes les campagnes politiques modernes. Ou la manière dont les réseaux sociaux ont eu un impact aujourd’hui sur les élections ou les révolutions.

Oui. Disons qu’on parle dans No d’une forme de préhistoire de la mobilisation médiatique. A l’époque, il n’y avait même pas un téléviseur dans tous les foyers chiliens. Les moyens de communication étaient encore très lourds technologiquement. Il y a même une forme de naïveté quand on pense que ces gens ont cru au changement à travers la télévision. Et ils y sont arrivés. Aujourd’hui, je crois que plus personne n’oserait rêver changer son pays via une campagne à la télévision. Nous sommes plus blasés et plus cyniques. Sans doute qu’on croit plus pouvoir le faire avec les réseaux sociaux. Et pourtant, si on considère le lendemain des printemps arabes, on voit que ce n’est pas forcément gagné.


A vos yeux, est-ce un film sur le pouvoir de l’image ?

Je ne sais pas. Je ne vois pas cela comme un film sur le pouvoir de l’image ou de la publicité. Je crois sincèrement que c’est plutôt une histoire sur le pouvoir de la démocratie. La publicité ne peut pas changer quelque chose ex nihilo. Le message doit être soutenu par quelque chose de tangible. Les Chiliens aspiraient à la démocratie. Ils voulaient un changement, ils voulaient croire à l’espoir, à la joie. Ce sont les slogans de l’époque. Mais ces slogans n’auraient pas eu d’impact si, inconsciemment, la majorité des Chiliens n’y avaient pas cru. C’est comme le "Yes We Can" d’Obama. Il s’appuyait sur une aspiration des Américains après huit ans de présidence Bush. Son slogan est d’ailleurs repris de celui d’un syndicaliste hispano-américain des années 1960. L’impact des réseaux sociaux en Tunisie ou en Egypte aurait été nul si la majorité de la population n’en avait pas eu marre de ses dirigeants. De même, en Italie, l’impact de Beppe Grillo s’appuie d’abord sur le ras-le-bol des Italiens. Sinon, il pourrait toujours hurler dans les meetings, tout le monde s’en ficherait. C’est pour ça que cette histoire du "No" chilien est universelle à mes yeux.


René, votre personnage, est dans un premier temps un spectateur un peu passif. Il manifeste d’ailleurs peu d’émotion. Est-ce votre choix ou celui de Pablo Larraín ?

C’est le point de vue de Pablo. L’intérêt de René, d’un point de vue dramaturgique, c’est qu’il est un ancien exilé. Il observe donc la situation de son pays et cette période pratiquement avec le regard d’un étranger. Ce qui est aussi intéressant pour le spectateur, même chilien, puisqu’on redécouvre cette époque à travers René. Mais, petit à petit, il s’implique et s’engage. C’est un processus classique, finalement, mais qui est assez juste : dans ces situations, on doit toujours finir par choisir son camp. On ne peut pas rester neutre indéfiniment.


Entretien : Alain Lorfèvre

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