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Pablo Larraín et la mémoire de la dictature pinochiste

Publié le 3 mai 2013 dans Cinéphiles

Né à Santiago du Chili en 1976, Pablo Larraín a signé son premier film, Fuga, en 2005, avant d’être révélé, en 2008, à la Quinzaine des Réalisateurs avec Tony Manero, début de sa trilogie sur la dictature. Il avait douze ans lors de la transition démocratique, sur laquelle il revient dans No, son nouveau film avec Gael García Bernal.

René Saavedra est-il un personnage authentique ?

Non. Il a été inspiré par deux publicitaires ayant participé à la campagne du "non" : Eugenio Garcia et José Manuel Salcedo. A partir de leur vie et de leurs témoignages, nous avons construit le personnage de René Saavedra. Mais la plupart des faits rapportés sont vrais.


Quels souvenirs gardez-vous de cette période et de cette campagne ?

Peu. Je ne me souviens pas de faits en particulier. Plutôt d’une ambiance générale, d’un changement d’atmosphère. On sentait qu’on passait d’un climat très lourd, très chargé, à quelque chose de plus léger, de plus optimiste. La campagne était partout : sur les murs dans la rue, à la télévision. C’était quelque chose d’immense. Je crois que nous n’avons plus vécu d’événement similaire. Et il est peu probable que cela arrivera encore. L’idée forte que rappelle le film, c’est que les publicitaires de la campagne du “non” ont vendu la démocratie comme un produit.


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Certains n’ont-ils pas considéré que c’était un peu cynique ou dangereux ?

C’est le principe même de la communication publicitaire que de jouer sur l’émotionnel. C’est précisément ce qu’avaient compris ces publicitaires. Ils ont trouvé un slogan vendeur. Mais il y a effectivement cette réflexion sur la manière dont on communique pour défendre la démocratie. C’est quelque chose d’ambivalent. Mais j’aimerais que les spectateurs se fassent leur propre opinion sur la question. L’ironie n’est-elle pas que la démocratie s’est imposée dans une classe moyenne qui avait été forgée à l’idéologie libérale par le régime Pinochet. Entre la première et la dernière séquence, le régime a changé, mais on continue à vendre des produits. Je ne fais pas la morale. Mais je voulais suggérer que d’une certaine manière, si le "non" a gagné, le "oui" aussi l’a emporté. Il y a une continuité dans le changement.


C’est votre troisième film qui aborde la période du pinochisme. Cette trilogie était-elle intentionnelle dès le départ ?

Non, pas du tout. Rien n’était planifié. Les films se sont enchaînés par hasard. Mais, a posteriori, il y a des liens entre eux. Ils forment bien un cycle et un tout : Santiago 73, Post Mortem parle des origines de la dictature, Tony Manero de sa phase la plus violente. Et No de sa fin. Mais je n’ai jamais eu l’intention de faire l’inventaire de la dictature. C’est plutôt un travail de mémoire par le biais de fictions centrées sur des individus qui ne sont pas impliqués politiquement. Aujourd’hui, je pense avoir fait le tour de la question. J’y reviendrai peut-être un jour. Mais à ce stade, j’ai vraiment envie de passer à d’autres sujets. Je ne sais pas encore ce que je vais faire.


Entretien : Alain Lorfèvre

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