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“Le gouverneur, c’est un peu Michel Daerden, George Bush fils ou Berlusconi, avec ce côté ridicule et con”

Publié le 3 octobre 2012 dans Actu ciné

Avec Dead man talking, Patrick Ridremont signe sa première réalisation. Teintée de beaucoup d’humour noir
Ce n’est plus des cartes de visite qu’il va lui falloir mais des folders dépliables. Après le théâtre, la comédie, le one-man-show, les émissions télé (Oh mon bateau, 100 % télé,…) et même la gestion d’un restaurant, à 45 ans seulement Patrick Ridremont ajoute deux lignes de plus à sa liste d’activités : celles de réalisateur et de scénariste.

Avec Dead man talking (en salle dès ce mercredi), il entame une nouvelle tranche de vie.


J’ai vraiment le sentiment d’avoir trouvé ma voie, explique-t-il. On ne sait jamais ce que l’avenir nous réserve, il n’y aura peut-être jamais de deuxième film, mais réaliser est vraiment ce que je veux faire. J’aime ça.

On a l’impression que vous racontez la vie de Jésus comme une fable, à la manière des frères Grimm…
C’est tellement vrai : c’est l’histoire d’un mec qui meurt en croix. En plus, j’avais 33 ans quand j’ai écrit ça. Et c’est le point de départ : un mec condamné à mort, qui parle à des disciples et j’imagine que Jésus, on a eu plus d’une fois envie qu’il se taise mais on l’a laissé parler parce que la loi romaine ne précisait rien et qu’ils s’en lavaient les mains… Tout y était déjà. Le producteur, dans mon film, se fait appeler God et appelle le condamné Fils. Au départ, c’est ça. J’écris le court métrage en 3-4 jours. Cinq-six ans plus tard, j’ai développé une vraie fable existentielle sur cette base. Enrichie de plein d’anecdotes.

Comme les contes, c’est assez cruel.
C’est formidable de faire de l’humour noir, de dire à un mec qu’on va exécuter et qui veut un verre d’eau : Vous boirez après ! C’est très drôle et cruel de vouloir l’exécution rapide de quelqu’un non pas parce que c’est un criminel mais parce que c’est l’anniversaire de la fille du directeur de prison ! Tout est empreint de cynisme et de cruauté, tel que ça existe vraiment. Pour certains, la vie ne vaut pas plus qu’une poignée de secondes. Je suis certain que des dictateurs ont fait couper des têtes juste parce qu’elles avaient regardé leur femme. Cette cruauté existe. J’étais content d’en faire quelque chose de drôle autour de la mort.

Vous n’avez pas eu peur de déraper ?
Il faut que les comédiens soient sincères, très sérieux, sinon le texte leur échappe. Et flirter avec la limite, sinon cela devient grotesque. Comme le gouverneur, qu’on ne pouvait pas garder dans le cadre. Ce n’est pas de la faute de Jean-Luc Couchard : il voulait adoucir les choses et c’est moi qui lui ai demandé d’aller plus loin dans le côté risible du pouvoir.

Pourquoi certains personnages sont-ils si caricaturaux ?
C’est une volonté de ma part. Tous les personnages sont poussés à l’extrême. Le directeur est extrêmement méchant et le talent de François Berléand le rend plus humain. Mon personnage est extrêmement violent. Le gouverneur, c’est un peu Michel Daerden, George Bush fils ou Berlusconi, avec ce côté ridicule et con. George Bush qui lit la fable du petit canard le 11 septembre : vous mettez ça dans un film, ça paraît grotesque. Cela dérange. C’est ça que je cherchais. Aller à fond tout le temps.


En passant derrière la caméra, Patrick Ridremont offre à son ex-femme, Virginie Efira, le rôle d’une manipulatrice glaciale. Voilà qui sent le règlement de comptes… “C’est un rôle de vraie garce, c’est agréable de renouer avec ce type de personnage. On peut y réagir et ne pas aimer, mais moi je ne suis pas un adepte du nivellement.

Oui, mais pourquoi le donner à votre ex ? C’est goujat !
(Rire) “Lorsque nous étions ensemble, c’était le rôle qu’elle voulait jouer. Cela doit être jouissif de jouer ce personnage qui ne se préoccupe pas des dommages collatéraux. Il faut le jouer de manière imperturbable. On parle souvent d’extrême gauche ou d’extrême droite, mais je me demande si on ne devrait pas parler d’extrême sobriété. Techniquement, c’est très dur.

Vous lui donnez aussi un petit côté BD, non ?
Les couleurs jaunâtres, la ligne claire, les objets intemporels, tout ça fait référence à la BD. À quoi doit ressembler un curé ? Il faut que les enfants y pensent tout de suite en le voyant, donc il doit porter la soutane. Idem pour le bagnard, qui doit ressembler à un Dalton. C’est très graphique, BD, pour arriver dans un temps, un lieu réinventés, pour mieux faire ressortir l’histoire.

Vous démolissez bien la télé-réalité, aussi…
C’en est une satire. Pas trop une dénonciation, plutôt un questionnement non pas sur les télés qui proposent ça, mais sur le public qui regarde. Que TF1 fasse Secret Story, je comprends, c’est leur boulot. Mais qu’ils trouvent un public, cela m’amène à me poser des questions sur les gens qui regardent. Je les trouve cons, mais quand il s’agit de mes filles, je les comprends et je trouve ça mignon. Je me surprends à regarder moi-même des choses que, de manière théorique, je trouve stupides. C’est un phénomène bizarre, non ?

Ce n’est pas le seul…
Oui. J’adore quand on dit : Le peuple finit toujours par tuer ses idoles. Regardez avec Justine Henin. Tant qu’elle gagnait, elle était encensée, et dès qu’elle met de l’argent à Monaco, elle est critiquée. Par les mêmes gens.

Quel objectif vous êtes-vous fixé en termes d’entrées ?
Je ne voudrais pas d’un demi-succès ou d’un vrai échec, donc je vise les 100.000 entrées. Tout le monde me dit que c’est impossible. On verra.


Patrick Laurent  


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