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"Il y a tant de beauté chez moi…" - Entretien avec Salma Hayek

Publié le 3 octobre 2012 dans Actu ciné

L'actrice mexicaine a pris beaucoup de plaisir à jouer les garces. Elle s’explique…
Invitée d’honneur du dernier Festival du cinéma américain de Deauville, qui lui a rendu un bel hommage lors de la soirée de clôture, Salma Hayek était aussi – et surtout – présente dans la petite cité normande pour y présenter Savages, le dernier film d’Oliver Stone. Dans lequel elle incarne, avec une jubilation certaine, l’atroce Elena, qui règne sur le cartel mexicain de Baja.

C’est toujours agréable de jouer une reine”, dit-elle, installée comme une petite fille dans un immense canapé. “Pour une Mexicaine, croyez-moi, ce n’est pas si courant. Alors, même si ce n’est que la reine d’un cartel, je pourrai dire qu’une fois dans ma vie, j’ai été une reine ! Sans rire, c’est intéressant de jouer un personnage qui détient autant de pouvoir. Et qui est aussi un tel monstre de violence. C’est justement parce que c’est inhabituel de voir accéder une femme à un tel niveau de cruauté que c’est passionnant à jouer.

Dans le film, il est aussi question de corruption : comment deux gars avec des intentions louables vont être corrompus. Vous avez déjà eu cette impression dans votre métier ?
J’ai redéfini la corruption… Quand j’ai commencé dans le métier, je devais sans doute me dire que je voulais tourner dans des films qui seraient des œuvres d’art. Et puis, j’ai réalisé que c’est un boulot et pas seulement de l’art. Peu à peu, on a des responsabilités, des factures à payer. Ce serait dégueulasse de ma part de dire que j’ai été corrompue par ce métier alors que je peux déjà m’estimer heureuse d’avoir un boulot ! Est-ce que j’ai été corrompue parce que j’ai accepté des rôles qui n’étaient pas ceux dont j’avais rêvé ? Non, j’ai fait mon travail.

Le film parle d’un cartel basé au Mexique, votre pays natal. Comment voyez-vous la situation, aujourd’hui ? Vous êtes optimiste pour le futur ?
Non, j’ai peur. En général, je suis quelqu’un d’optimiste quand j’entrevois une solution. Je suis pleine d’espoir, mais je ne vois rien venir et je suis terrifiée. Et c’est une angoisse constante. Tout le monde me dit que le film est très violent, mais c’est un sujet bien réel et la vie de ces gens est très violente. Les scènes de torture ne sont même pas exagérées. Certaines personnes, dans mon pays, vivent avec la peur au ventre, de la minute où ils se lèvent à celle où ils se couchent. Et pourtant, il y a tant de belles choses à dire à propos de mon pays, tant de beauté chez moi.

Qu’est-ce que vous attendez d’un réalisateur, que ce soit Oliver Stone ou un autre : qu’il vous guide ou qu’il vous laisse de la liberté ?
Je peux faire les deux. C’est mon boulot de m’adapter au réalisateur que j’ai en face de moi. Je pense qu’il ne faut pas arriver sur le plateau en ayant des attentes particulières. Mon boulot, c’est d’essayer de lire dans ses pensées, d’écouter ce qu’il dit et de lui donner ce dont il a besoin pour faire un bon film. Si l’occasion se présente de proposer quelque chose qui ajoute de la valeur, je le fais. Mais la vraie question est plutôt celle-ci : combien de bons films trouvez-vous par an ? L’an dernier, par exemple, mon film préféré a été Une séparation. Vous pensez que si j’avais à travailler avec ce réalisateur, il m’attendrait pour écouter toutes les choses intelligentes que j’aurais à lui dire ? Non ! J’aurais simplement envie de faire partie d’une expérience magnifique comme celle-là. Parce que, au fond, combien de films vous remuent, vous ébranlent vraiment et durablement ?


Isabelle Monnart


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