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Gena Rowlands raconte Cassavetes, "l'homme qui comprenait les femmes"

Publié le 4 juillet 2012 dans Cinéphiles

L'actrice Gena Rowlands, qui fut durant 25 ans l'épouse et la muse de John Cassavetes, évoque dans un entretien à l'AFP la figure "unique" du cinéaste.
Alors que cinq film de Cassavetes ressortent mercredi en France dans des versions remasterisées -- "Shadows" (1959), "Faces" (1968), "Une femme sous influence" (1974), "Meurtre d'un bookmaker chinois" (1976) et "Opening Night" (1977) --, Gena Rowlands assure ne jamais revoir les films de son ancien mari. "Je ne les regarde pas, c'est trop émouvant", déclare l'actrice, aujourd'hui âgée de 82 ans, dans un entretien téléphonique. "Mais je pourrais vous les raconter plan par plan, car je m'en souviens parfaitement".

John Cassavetes, qui inspira des générations de cinéastes en rompant le carcan formel et dramatique des films hollywoodiens, était "un artiste unique. Il aimait tellement les acteurs... Il nous donnait une liberté énorme", se souvient-elle. Le cinéaste donnait aux acteurs l'entière responsabilité de leur rôle. "Quand un acteur venait le voir avec une question, il disait: "J'ai écrit le scénario, je te l'ai donné, tu l'as accepté, maintenant tu es la personne la mieux placée au monde pour savoir qui est ce personnage", dit-elle. "C'était très excitant parce que toute la responsabilité du rôle reposait sur vos épaules", ajoute-t-elle.

Son travail avec les comédiens était aussi marqué par des phases d'improvisation -- surtout dans "Shadows", car tous les films qui suivirent étaient scrupuleusement scénarisés -- et par une absence de répétitions, pour encourager la "fraîcheur" du jeu. "On ne répétait pas mais on faisait une lecture" du scénario avant le tournage, se souvient l'actrice. "John n'aimait pas non plus que les acteurs se parlent de leurs personnages. Il disait: "Dans la vraie vie, vous ne savez pas ce que les gens vont dire. Votre personnage non plus". 

Le couple formé par Gena Rowlands et John Cassavetes, jusqu'à la mort de ce dernier en 1989, à l'âge de 59 ans, fut l'un des plus féconds de l'histoire du cinéma. Leurs trois enfants, Nick, Alexandra et Zoe, ont d'ailleurs repris le flambeau et sont tous acteurs et réalisateurs. Muse indéfectible de son mari, pour qui elle a notamment tourné les chefs-d'oeuvres "Faces", "Une femme sous influence", "Opening Night" et "Gloria", Gena Rowlands était pourtant maintenue dans le secret et Cassavetes ne lui parlait jamais des rôles qu'il écrivait pour elle. "La surprise était totale", dit-elle.

Elle assure n'avoir jamais dit non à un rôle écrit par Cassavetes, à une exception près: celui de Mabel dans "Une femme sous influence", d'abord écrit pour le théâtre -- et qu'elle incarnera finalement pour le grand écran. "Je voyais bien en le lisant que ce serait trop difficile à faire sur scène tous les soirs. C'était un rôle très physique", raconte-t-elle. "J'ai dit à John: "Tu sais, je vais mourir d'épuisement". Il m'a dit qu'il allait arranger ça. Il est revenu trois semaines plus tard avec une nouvelle version (pour le cinéma) où il avait gardé le personnage mais changé l'action, pour que l'intensité émotionnelle soit plus répartie". Dans ce film comme dans tant d'autres de sa filmographie, Cassavetes mettait à nu la sensibilité féminine comme peu de cinéastes y parviendront. "J'ai toujours été surprise de la connnaissance qu'avait John des sentiments féminins, de sa profonde tendresse."


(AFP)

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