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François Damiens : "Alors, c’est qui le con ?" - Entretien

Publié le 22 mars 2012 dans Actu ciné

François Damiens est une nouvelle fois touchant dans "Torpédo".
C’est un réflexe. Au moment d’entrer dans une pièce où se trouve François Damiens, le regard se perd dans chaque recoin à la recherche d’une caméra cachée. Puis, le front se fronce lorsque le loustic s’allonge avec le réalisateur de Torpédo, Matthieu Donck, sur le lit plutôt que dans le divan de sa suite. Impossible de dissiper le doute. Encore renforcé par les illuminations soudaines de son visage, à l’instar d’un garnement prêt à faire un mauvais coup.

C’est peu de dire qu’on est sur ses gardes. Et pourtant, il est juste là pour défendre, avec une gentillesse infinie, une comédie chère à son cœur, dans laquelle il campe un loser au grand cœur. “Lui, il n’a même pas le droit de se faire arnaquer parce qu’il n’a pas de famille et ça m’a touché, explique-t-il, le regard toujours en coin. Peut-être parce que je me suis fait arnaquer quand j’étais étudiant, en faisant des enquêtes qui n’ont jamais été payées. Pour moi, tout le monde a un côté Michel Ressac en lui. À la première image, il n’a pas de boulot, il est renié par sa famille, on sent qu’il va traverser sa vie sans être admiré alors qu’on a toujours besoin d’exister dans le regard de quelqu’un. Donc, le spectateur est rassuré : c’est un baltringue. Puis, quand on l’humanise, on se rend compte qu’on lui ressemble quand même un peu… Plus on l’a pris pour un con au début, plus on se dit qu’il l’est peut-être moins que nous ! Alors, c’est qui le con ?

On sent que vous avez de la tendresse pour lui…
Oui. Il est généreux, n’a pas d’a priori, il considère le petit garçon comme un ami, c’est un guerrier.

Un guerrier ?
Oui. Il n’a jamais pu donner un sens à sa vie et quand il peut gagner un repas avec Eddy Merckx, il est prêt à tout pour y arriver. Plutôt que Brest, il irait jusqu’à Lima s’il le fallait pour enfin exister dans le regard de son père. C’est ça le sens du titre, Torpédo : Michel Ressac, il va en avant, pas en arrière. S’il s’arrête, il tombe. En France, à part dans le Nord, ils ne connaissent pas ce mot. Ils disent rétropédalage inversé. C’est facile à retenir pour un gosse (ironie).”

Ce vélo n’est pourtant pas au centre de l’histoire…
Il apprend au gamin à rouler à vélo. Et c’est la scène la plus importante du film. C’est beau car ce n’est pas un baptême ou une communion, une sorte de fête préconstruite : Michel Ressac lui offre de la liberté en lui apprenant à rouler à vélo et le garçon lui en renvoie en retour. Sans s’en rendre compte, Michel Ressac lui fait le plus beau des cadeaux.

Vous croyez qu’on peut construire une famille comme ça ?
Le vendeur lui balance l’image de la famille idéale, mais est-elle vraiment idéale ? Plein de gens veulent ressembler à une vraie famille, qui va au club Med avec de beaux maillots. Le père essaie de faire branché avec sa belle femme qui a fait sa teinture et les petites têtes blondes pour ressembler à une vraie famille. Ils jouent à ça mais, dans les faits, il n’y a pas vraiment de lien, on ne se parle plus à table. Michel Ressac, il veut une famille, pas ressembler à quelque chose. Il l’appréhende par le bon côté : ce sont les liens qui font qu’on ressemble à une vraie famille. Quand on fait une voiture, on commence par le moteur, alors que les gens s’intéressent trop souvent uniquement à la carrosserie : à quoi sert-elle sans moteur ?

La famille compte aussi beaucoup pour vous, non ?
Oui. Énormément. D’ailleurs, je ne travaille pas pendant les grandes vacances pour rester avec elle.


Patrick Laurent

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