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“Des beaux êtres humains” : entretien avec Luc Besson

Publié le 21 décembre 2011 dans Actu ciné

Le réalisateur du "Grand Bleu" est très fier de son film sur Aung San Suu Kyi, "The lady".
Deuxième biopic. Et deuxième portrait de femme. Après Jeanne d’Arc, c’est le portrait d’Aung San Suu Kui qu’il tire à travers une histoire d’amour assez légère sur le plan des idées ou de la description de la dictature en Birmanie, The lady.

J’ai fait un film d’amour, pas un film politique, lance d’emblée Luc Besson. Je n’ai rien à apprendre aux gens sur le plan politique. Sinon, il vaut mieux faire un documentaire. C’est l’aspect humain qui m’a attiré. Je pense qu’elle n’aurait jamais pu mener son combat comme ça sans la qualité d’amour de son mari. Cela m’a énormément touché. Dans nos pays, l’amour est très égoïste. C’est ma voiture, ma société, ma femme. Et si cela ne se passe pas bien, on divorce. Cet égoïsme, cet individualisme, la publicité nous le vend toute la journée : mon appareil ne marche pas, je le change, ma femme ne marche pas, je la change… La qualité d’amour de son mari, qui est la véritable définition de l’amour – à savoir vouloir le bonheur de l’autre – est poussée à l’extrême. Cet homme était un ange. Même malade, il a continué à lui mentir pour qu’elle ne quitte pas son pays et qu’elle continue sa lutte. Ce sont de beaux êtres humains, avec des vraies valeurs, qui se battent pour des vraies raisons. Pas pour de l’ambition, de l’argent ou du pouvoir. Qu’est-ce que cela fait du bien.

Elle déborde quand même très largement du cadre amoureux…
Comment une femme de 50 kg parvient à affronter 300.000 militaires pendant 25 ans en prônant la non-violence ? C’est cela qui me fascine en elle. Comment elle fait pour tenir ? Moi, je serais mort ! En lisant l’histoire, on s’aperçoit que seule la bonne nourriture la fait tenir : l’amour de sa patrie, de son père, de sa mère, de son mari, de ses enfants. Dans la société d’aujourd’hui, extrêmement cynique – et cela nous dévorera tous si on n’y fait pas attention – c’est un message rafraîchissant, touchant. Cette femme redéfinit ce qu’est un être humain.

Vous l’avez rencontrée ?
Oui, on a passé trois jours ensemble en Birmanie juste après le tournage. Si je l’avais vue avant, cela aurait été un autre film. Nous, on a fait celui-là pour l’aider. C’est intéressant aussi.

Vous n’abordez pas l’économie, alors que la junte au pouvoir est soutenue par un géant pétrolier français…
Ça, c’est le travail des journalistes, pas celui d’un cinéaste. J’espère d’ailleurs que cela donnera envie à de nombreux journalistes de l’expliquer. Dans un film, c’est trop compliqué de montrer des embargos, leurs conséquences, puis le desserrement de l’étau avant de resserrer la vis quand les promesses ne sont pas tenues. Mon ambition était plus humaine. Lors d’une projection aux USA, un homme qui la connaissait m’a dit qu’il la comprenait enfin après avoir vu mon film : il se demandait comment elle était parvenue à tenir toutes ces années. Cela représente une grande fierté pour moi.


Patrick Laurent

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