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Karin Viard dans la "polisse": interview

Publié le 18 octobre 2011 dans Actu ciné

Dans le nouveau film de Maïwenn, la comédienne intègre, avec beaucoup de réalisme, la brigade de protection des mineurs.
Il y avait de quoi pester ! Le cinéma français tient en Karin Viard une comédienne exceptionnelle, et pourtant, il peine à l’utiliser. Toutefois, depuis une bonne année, cinq films ont offert à Karin Viard la possibilité de se dépasser. En médecin de gauche sœur d’un avocat de droite dans "Les Invités de mon père" d’Anne Le Ny; en secrétaire de direction dans "Potiche" de François Ozon; en tenancière à poigne dans "Rien à déclarer" de Dany Boon; en femme de ménage généreuse dans "Ma Part du gâteau" de Cédric Klapisch et, dès demain, en flic, membre de la BPM (brigade de protection des mineurs) dans "Polisse" de Maïwenn, Prix du Jury au dernier Festival de Cannes où nous l’avons rencontrée en mai dernier.

Klapisch, Maïwenn, vous aimez retravailler avec des metteurs en scène.
Je n’ai pas une fidélité idiote. Ceux avec qui je ne me suis pas entendue, je n’y retourne pas. Mais quand ça s’est bien passé, j’y prends beaucoup plaisir, il faut juste se choisir pour les bonnes raisons. Pas par fidélité mais parce qu’on a des choses à faire ensemble. J’avais fait "Le Bal des actrices" avec Maïwenn et c’est vrai qu’elle a une façon très particulière de tourner. Quand ça marche, on a envie de refaire, de continuer la collaboration.

C’est du sur-mesure.
Elle a écrit pour moi, c’est génial, mais c’est sa méthode qui compte. Elle regarde et elle écoute surtout. Elle dit : "J’aime bien cette énergie-là, continue, puis tu reviendras au texte." A un moment donné, on vit la scène, on n’est pas dans le jeu. Elle ne dit pas "action". Il y a deux, trois caméras qui tournent et on y va.

Chez elle, il y a toujours un rapport entre l’image professionnelle et l’image privée.
Oui, c’est un peu toujours le même procédé, c’est une fiction avec un esprit de documentaire. C’est sa facture, son identité, ce qu’elle sait faire, ce qui lui importe, ce qu’elle cherche : la vérité.

C’est pour la trouver que vous avez suivi une préparation en immersion ?
Ce n’était pas une immersion. On a plutôt fait un stage avec deux anciens flics de la brigade de protection des mineurs. Ils nous ont expliqué leur métier et on a fait des simulations. Ils faisaient les enfants et nous, on faisait les inspecteurs. et vice-versa. Après, ils nous donnaient des notes. "Tu aurais dû faire ceci, tu aurais dû faire cela." On a appréhendé, on a reniflé, on s’est approchés de ce métier. En revanche, Maïwenn a été en immersion.

Que pensez-vous de ce métier ?
Cet univers m’était étranger, comme le monde du cinéma pour les flics. C’était une vraie rencontre, la greffe a pris. C’est un privilège de l’acteur que d’avoir accès à un univers qu’on ne connaît pas. Maintenant, je sais ce que certaines choses veulent dire, je connais les grades.

Etait-il important de montrer aussi la vie privée de ces policiers ?
Quand on a la chance de pouvoir faire le métier d’acteur comme je le fais, la vie à côté est un peu plus terne, fade, banale. On vit des aventures fortes avec des metteurs en scène intéressants. On a des rôles à défendre. En lisant le scénario, je me suis rendu compte que c’était un peu pareil pour ces policiers de la BPM. Ils ont le sentiment d’être nécessaires. Du coup, leur vie à côté est plus fade car il se passe des choses tellement extrêmes dans la brigade, d’une violence immense. Ils partagent cela avec d’autres personnes, cela crée des liens très très forts. Et cela peut déstabiliser leur vie concrète, leur vie amoureuse qui est forcément moins spectaculaire, moins intense. Et le film raconte cela aussi.

Parmi ces scènes d’une grande tension, il y a votre pétage de plombs, mémorable.
Je suis actrice, hein (rire). C’est mon boulot. Je peux le faire dix fois si c’est nécessaire. Mais cela n’a pas été nécessaire. On a fait trois prises. Ce qui est bien dans cette scène, c’est qu’elle y revient sans arrêt. Normalement, une scène de colère c’est fulgurant, ça dure peu. Là, l’intelligence de Maïwenn, c’est qu’il y a de violence, on sent toute cette violence même en tant qu’acteur. Tu te chauffes, tu te remontes tout seul. C’est vraiment mon métier, c’est vraiment ce que je sais faire. Etre actrice, cela m’empêche d’être complètement dingue dans la vie. C’est une bouffée d’oxygène, une soupape de sécurité extraordinaire. J’ai énormément d’énergie et ça me canalise, ça me concentre, ça me permet d’évacuer des choses. Pour moi, c’est de l’ordre de la santé mentale.

Enfant, vous aviez déjà autant d’énergie ?
Oui et cela canalisait moins.

Avez-vous le sentiment de traverser une période politique avec “Les Invités de mon père”, “Ma Part du gâteau” et même “Potiche” qui ne manquait pas d’ironie politique ?
C’est vrai, mais c’est le hasard. Maintenant je vais jouer Yann Piat pour la télé, c’est aussi politique. En même temps, les pays d’Europe sont en crise, la vie est plus dure, forcément le cinéma devient plus social et politique. En tant qu’actrice, j’ai envie de pouvoir m’exprimer à plusieurs endroits. Je ne choisis pas mes films parce qu’ils sont politiques. Mais parce que j’ai envie de les faire. Je suis davantage capable d’accepter un personnage moins intéressant dans un bon film qu’un très beau personnage dans un mauvais film. On choisit ce qu’on aime. On ne me voit pas dans des films de science-fiction ou d’horreur car en tant que spectatrice, cela ne m’attire pas. Mais si arrive un scénario de film gore, cela pourrait m’amuser d’aller à la découverte...


Fernand Denis

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