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Rencontre avec le réalisateur d'Un monstre à Paris, Bibo Bergeron

Publié le 13 octobre 2011 dans Actu ciné

Le réalisateur français, ex-dessinateur de bande dessinée, revient aux sources de son art et de son inspiration après huit années de perfectionnement aux Etats-Unis.
Eric "Bibo" Bergeron n’est pas un inconnu dans le monde de l’animation. Formé à l’excellente Ecole des Gobelins, à Paris, cet animateur français a passé six ans à Londres, puis huit à Los Angeles. Pour le studio américain DreamWorks, il a coréalisé "La route de l’Eldorado" (2000) et "Gang de Requins" (2004). De retour en France, en 2005, il annonçait la mise en chantier d’"Un monstre à Paris". Retour sur les dessous d’un projet de longue haleine.

L’origine d’une vocation : "Je viens de la bande dessinée. Mais la bande dessinée était pour moi une manière de travailler qui était extrêmement disciplinaire, dure, parce qu’on est tout seul devant sa planche. A dix-huit ans, j’ai appris l’existence d’une école de cinéma d’animation à l’Ecole des Gobelins de Paris. Je ne savais pas qu’il y avait des cours de cinéma d’animation ! Je suis allé revoir "Peter Pan" des studios Disney, qui ressortait à l’époque. Je suis resté deux séances de suite pour essayer de comprendre. Et j’ai compris le principe de la succession de dessins et des émotions qu’ils véhiculaient. J’ai compris à cet instant que c’était ça le métier de ma vie, que c’était ça que je ferais le restant des jours. Ce fut une révélation. J’ai rencontré Dieu ce jour-là !"

Le syndrome de Peter Pan : "Je crois que chaque artiste se raconte. On ne peut pas être plus honnête que raconter ce qu’on est. Je ne vais pas inventer des histoires qui ne me touchent pas et qui n’ont pas de rapport avec qui je suis, ce que j’ai expérimenté. Si, à 46 ans, je continue à faire du dessin animé avec la même jouissance, c’est que je suis un Peter Pan ou un Francoeur dans ce monde d’adultes et de brutes. J’ai envie de continuer à rêver."

L’expérience américaine : "Travailler aux Etats-Unis m’a procuré une maîtrise de mon travail. J’ai découvert comment m’exprimer avec les techniciens, les artistes. Sur "Gang de Requins", il y avait quatre cents personnes. J’ai dû apprendre à parler à une telle équipe. Techniquement, aussi, cela m’a appris comment fonctionne l’image de synthèse, la caméra virtuelle, la 3D. J’ai aussi appris à diriger les acteurs, ce qu’on maîtrise moins en France."

L’origine du scénario : "Après avoir vécu huit ans à Los Angeles et six ans à Londres, j’avais la nostalgie de ma ville natale. J’ai eu envie de raconter une histoire située à Paris. Cela m’intéressait de faire un film sur la transition du XIXe au XXe siècle. Enfin, cinéphile, j’ai vu tous les Frankenstein, les Draculas, les loups-garous. Il y a dans ces films des codes sur la différence, sur l’étranger, qui m’intéressaient."

Six ans de travail : "Monter un film de cette ambition en France ou en Europe, ce n’est pas évident. On n’est pas dans un grand studio hollywoodien où il y a de l’argent en caisse. On a démarré, puis on s’est aperçu qu’il n’y avait pas assez d’argent pour réaliser le film que nous avions en tête. Alors, nous avons dû nous arrêter et repartir à la recherche de fonds."

Le travail sur les voix : "Les acteurs doivent être en osmose avec leur personnage. Moi, je suis là pour les mettre sur la voix de ce que j’ai en tête. Bien sûr, ils conservent une liberté de jeu. Ce sont des interprètes. Mais je dois les guider dans cette interprétation. Je fais l’animation sur les voix pour que le jeu des personnages soit cohérent avec l’interprétation."

L’apport des comédiens : "Le personnage de Francoeur a changé avec l’arrivée de Mathieu Chedid. J’y ai ajouté de la tendresse et de la poésie. L’univers de Mathieu est plus poétique que le mien, qui est plus comique. Et les deux ont fini par fusionner. Le personnage de Vanessa Paradis a aussi pris plus d’importance. Rencontrer des artistes comme eux a été très intéressant. Leur personnalité, leur goût, leur comportement ont insufflé quelque chose aux personnages."

Influences européennes : "Mon dessinateur de bande dessinée préféré est Franquin. C’est lui qui m’a donné l’envie de dessiner. J’ai dû "lire" mon premier Gaston Lagaffe à l’âge de trois ans. J’étais fasciné par les dessins. C’était d’une limpidité. Il avait un coup de crayon terriblement expressif. Franquin est le plus animé des dessinateurs. Il a commencé dans le cinéma d’animation, et ce n’est pas un hasard : son dessin n’a pas besoin du mouvement, il était naturellement animé !"

Influences américaines : "L’animateur que je suis a été élevé avec un livre : "The Illusion of Life", de Ollie Johnston et Frank Thomas, deux des "Nine Old Men", les neufs plus grands animateurs de Disney. Pour moi, c’est la bible de l’animation. Il y a dans ce livre une double page où Milt Kahl dessine plusieurs fois le même sac de farine. Et chaque dessin exprime une émotion différente. C’est génial et c’est inégalé. Est-ce que j’ai tendance à diriger les animateurs suivant les préceptes de "Illusion of Life" ? Oui. Est-ce que ce sont des stéréotypes ? Peut-être. Mais pour moi, c’est de la bonne animation avant tout. Milt Kahl, Ward Kimball, ce sont les plus grands animateurs qui ont existé à ce jour. Médusa, dans "Bernard et Bianca", c’est l’équivalent de Marlon Brando dans "Un Tramway nommé désir" : une référence pour tous ceux qui ont suivi, même si on a évolué, s’il y a des choses qu’on ne fait plus. Je suis conscient et fier de cette référence."


Alain Lorfèvre

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