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L’hommage solaire de Julie Delpy à sa mère et à la famille

Publié le 5 octobre 2011 dans Actu ciné

Interview avec Julie Delpy à l'occasion de la sortie de Skylab.
La semaine dernière, Julie Delpy était en Belgique. Pour la promo de "Skylab". Mais aussi pour la postsynchro de "Two Days in New York", son prochain film, déjà. Même très, très fatiguée, elle reste très, très en forme.

Dans “Two Days in Paris”, on faisait connaissance avec vos parents. Dans “Skylab”, on a droit au reste de la famille ?
Il y a beaucoup d’éléments fictionnels. Albertine et ses parents sont autobiographiques. Pour le reste, j’ai mélangé plein de choses, des voisins, des souvenirs sur lesquels j’ai brodé, des phrases que j’avais entendues dans des discussions politiques ou culturelles sur la télé.

Ce qui est surprenant, c’est d’y retrouver un peu de sa propre famille.
(Rires.) Les familles ne sont pas si différentes, elles fonctionnent toutes un peu de la même manière. Sauf si elles appartiennent à des cultures différentes comme en Chine. Sinon, il y a des dynamiques qui ne changent pas. Il y a toujours des frictions entre frères et sœurs qui ne sont pas d’accord politiquement. Il y a toujours des cousins, des cousines qui adorent se retrouver pour jouer ensemble. Mais, il y aussi des choses qui changent. Les grands-mères gâteau, les mamies, c’est fini.

Savez-vous pourquoi vous avez fait ce film ?
J’ai perdu ma maman, et j’ai eu mon enfant en même temps. C’était un moment difficile, compliqué. J’ai été dans la mort pendant plusieurs années, j’avais envie d’un truc solaire, d’un hommage superheureux à ma mère. D’un hommage à la vie. Et la vie, c’est pas les bisounours. Il y a des tensions, des frictions.

C’est un film sur l’hérédité, on sait maintenant d’où vient votre caractère fort.
Et chiant (rires). Faut le dire quand elle fait chier tout le monde dans le train. Les chats ne font pas des chiens, je suis la fille de ma mère.

Le fait de vivre aux Etats-Unis vous a-t-il aidée pour avoir du recul ?
Beaucoup. Il y a souvent de l’amertume dans les films sur la famille, on y règle des comptes. Ma famille aussi a ses zones d’ombre. J’en ai voulu à certains, mais j’ai pardonné, cela fait partie d’une évolution humaine normale. Adolescente, on a la rage contre ses parents, et puis, il faut évoluer. La psychanalyse m’a aidée. Une phrase, en fait, m’a permis de relativiser, de mettre mes parents à mon niveau; je vois mon père comme un gamin.

Qui sait raconter des histoires.
Car il est resté un enfant. Je ne le juge pas. Le film ne juge personne.

Before sunset”, “Before sunrise”, “Two days in Paris” et ici un jour en Bretagne; vous aimez ce qui est ramassé, concentré ?
J’aime bien les unités de temps où beaucoup et peu de choses se passent à la fois. J’aime mettre du contenu dans des petites choses. La vie est comme cela. J’aime les détails. Petite, mon livre préféré, c’était “A Rebours” de Huysmans, l’histoire d’un type qui décrit sa chambre. Il ne se passe rien. J’aime bien gratter le détail, il raconte plus. On est tous pareils, ce n’est qu’en rentrant dans les détails qu’on voit les différences.

Au point de pouvoir se passer d’intrigue, de travailler sans filet.
Oui, c’est cela, sans filet. Il n’y a pas d’histoire, mais il y a une évolution à travers les émotions des personnages. Ils font tous un trajet. Pour moi, avoir une trame, c’était truquer, il aurait été impossible de capter une vérité. C’est pourquoi la rédaction du scénario a demandé beaucoup de temps, beaucoup de versions.

Trois films réalisés par une femme sortent ce mercredi. Même chose dans 15 jours.
On vient de réaliser que les femmes pouvaient faire des films. On est d’ailleurs un peu toutes de la même génération. J’ai commencé un peu avant, et c’était une galère monstre. On se foutait de ma gueule, car j’étais une femme et que j’étais féminine à la fois. Si j’avais eu une poigne de fer, si j’avais été Mme Tatcher, ça passait. On s’aperçoit, aujourd’hui, que les femmes peuvent réaliser toutes sortes de films.

Et approcher les thèmes autrement, la sexualité, par exemple.
Absolument. Et c’est vachement agréable pour les femmes. “Lady Chaterley”, de Pascale Ferran, c’est la première fois où je n’étais pas dégoûtée par les scènes de cul où l’on ne sent que des fantasmes de mec. Là, enfin, j’avais l’impression de me reconnaître. Car la sexualité au cinéma, cela va rarement au-delà des gros nichons et du beau cul. Et c’est chiant à regarder pour une nana. Avec les femmes, c’est beaucoup plus varié. Regardez “In the Cut”, “Bright star”, voire “Tomboy”. Et chez moi, la sexualité est plutôt traitée avec humour.


Fernand Denis

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