Danis Tanovic a eu ce bon mot au dernier Festival International du Film d'Amour de Mons à propos de son film L’Enfer écrit par Kieslowski : « Quand vous piquez une idée à quelqu'un, c'est du plagiat. Piquez-en cinquante, vous ferez un hommage ». Suivant cette définition, Ursula Meier se fend donc d'un hommage aux frères Dardenne (elle va jusqu'à en imiter les titres), sorte de version Canada Dry d'un gamin sans vélo mais avec skis (exotisme helvétique oblige), sommé de grandir trop vite en se prenant en charge ainsi que sa sœur (Léa Seydoux, archi-pulpeuse que c'en est affolant, même dans une doudoune informe), pris dans des nécessités financières qui nous passent un peu au-dessus de la tête (il parait qu'ils sont dans la dèche : ça n'est jamais vraiment palpable). On passe en revue, dans le désordre : des échanges de billets de mains en mains, des sandwiches dévorés par des enfants complices qui se courent l'un après l'autre, des traversées risquées et de longues marches buttées le long de la nationale, etc., tout ceci avec une seule idée de mise en scène à lui créditer (dont elle profite jusqu'à l'abus) : celle de l'opposition géographique et sociétale entre la ville en bas et les stations en haut, reliées par les cabines de téléphérique. L'obsession de Meier à s'acheter par procuration une légitimité d'auteur en est presque touchante mais elle perd de vue l'intérêt moral de l'esthétique dardennienne, soit la logique de la rédemption, profondément ancrée dans les racines de la pensée chrétienne des auteurs de La Promesse : la confrontation éthique de l'individu avec la norme de la société et des institutions : la police et la prison au bout de l'Enfant, le juge de paix de la fin du Gamin au Vélo, etc. Ceci dit, tandis qu'Agnès Godard s’emmêle sérieusement les pinceaux dans ses éclairages de nuit artificiels comme dans Simon Werner, Léa Seydoux semble assurément plus à l'aise dans cet exercice de film social que dans ses escapades hollywoodiennes : elle n'avait plus été aussi fragile et juste depuis Belle Épine. Toujours déjà sortie de l'adolescence et pas encore adulte, son corps un peu lourd, ses petits yeux fatigués, comme gonflés, à demi-enterrés dans un visage poupon, son charme languide un peu spleené sied plus naturellement au costume d'une jeune mère au bord de la crise de nerfs qu'à celui de femme fatale (son contre-emploi contre-productif dans Robin Hood, M:I 4). Quant à la réalisatrice, peut-être devrait-elle envisager une reconversion de carrière en directrice de casting, parce que sa meilleure idée est encore de nous retrouver deux perles égarées depuis longtemps : Martin Compston, pas encore tout à fait sorti de l'énergie débordante du Sweet Sixteen de Loach (2002 quand même) et Gillian Anderson, la Scully de X-Files, ici en étrange ersatz alpin de Sharon Stone.

Les Dardenne font du ski. Mais le côté social est adouci par une ouverture vers le conte. Un très beau duo d'acteurs : Léa Seydoux et Kacey Hottet Klein.