juliendemangeat

Accatone
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Publié le 12 mars 2012
Nichols poursuit le questionnement engagé par LVT et Malick : cette menace qui nous enserre est-elle réelle ou subjective? C’est un sujet en or pour le cinéma tant celui-ci s’est toujours donné pour mission d’être un révélateur de vérité cachée que lui seul peut donner à voir. L’évolution de Curtis est sur ce plan remarquable, tant il fait preuve de lucidité au milieu d’une indifférence générale, tout en sombrant peu à peu dans la folie. Folie définie ici comme purement arbitraire, un écart par rapport à la norme qui est de penser que tout est dans l’ordre (tout le monde est étrangement serein). Pour ses congénères, la conscience des choses se limite à un sens aigu de la réalité (elle est donc superficielle) dans une forme de résignation (on admet que les temps sont durs). Ce qui est évidemment en totale contradiction avec les visions de Curtis, que l’on peut légitimement extrapoler comme une vision sur l’état du monde. Quant aux qualités de mise en scène, l’entrelacement du quotidien (l’autre sujet du film, la force des liens familiaux), de représentations fantastiques et d’une mise en contexte (celui de l’Amérique sonnée par la crise) fonctionnent parfaitement. Ces superpositions de point de vue concourent à donner au propos toute son ambigüité quant à la réalité de ces phénomènes et à leur interprétation. En même temps ils ont acquis une telle force de persuasion pour le spectateur qu’ils ne peuvent être définitivement oubliés, c’est ce que la fin semble signifier. C’est toute la force du film, sa puissance symbolique.

Publié le 25 février 2012
Ferrara revient au sommet avec cette comédie débridée, loin de ses films glauques et tordus qui ont fait sa réputation. Il y a même une certaine utopie à protéger la vie de son petit monde face aux soucis d'argent. Tout le miracle du film tient là, comment ne pas le plomber avec une stupide histoire de billet de loto. C’est parce qu’il privilégie une mise en scène d'une fluidité remarquable (on a l'impression d'un long plan séquence) et d’une parfaite unité de lieu (aucun plan extérieur tant il veut rester attaché à son monde). Mais c’est surtout par ce plaisir qu’il semble prendre à saisir sur le vif tous ces personnages qui deviennent le véritable spectacle, en marge du show sexy qui finalement se banalise. Le credo de ce grand film instinctif, faire les choses dans l’instant avec une naïveté revendiquée, résonne alors comme un témoignage sur la méthode Ferrara.

Publié le 8 février 2012
Si le film séduit par le soin qu’il prend à décrire la naissance du FBI et de tout ce que ça implique comme professionnalisation des comportements, il s’emploie plus à dépeindre les relations intimes qui se nouent autour de ce projet laborieux. Comme si cette vocation obsessionnelle cachait une recherche de liens et de reconnaissance. C’est du reste une histoire d’amour-amitié qui va être au centre des préoccupations du réalisateur. Il va mettre à jour les affects d’un homme public en plongeant dans son intimité avec un souci constant de lucidité. Ce qui lui permet de ne pas prendre parti pour ou contre le personnage et d’approfondir librement son étude de caractère. Ce souci d’objectivité confère au film son ambigüité. Ici la question de l’humanité des personnages est posée avec une rare acuité. Parfois avec une certaine rudesse, le portrait de la mère n’est pas tendre, et qui laisse à l’ensemble un sentiment de mélancolie tenace. Peu de critique de fond mais plutôt la démystification d’un personnage historique vu ici comme vaniteux, tyrannique et jaloux de son pouvoir, bref infantile.

Publié le 1 février 2012
Ce que met en scène ici Cronenberg est un fantasme de sérénité : une vie ordonnée, un paysage bucolique, le tout baigné dans une lumière apaisante. Tout respire une tranquillité extraordinaire qui semble correspondre à l’état intérieur du Dr Jung. Cet état de calme induit une tension puisqu’on se doute que cet écrin de sérénité digne d’un rêve de jeune fille cache un tourment en devenir. Il en ressort une tension perpétuelle entre le calme extérieur, réel, et le calme intérieur qui va être filmé. En mettant en parallèle la fausse sérénité du docteur et l’esthétique trop parfaite de son monde Cronenberg finit par mettre en creux son personnage dont le masque de quiétude finira par tomber, sa veulerie en amour étant dévoilée. Chez Cronenberg il arrive que la mise en scène, toujours très rigoureuse, soit trop présente et finisse par assécher le film. C’est un peu le cas ici, peut-être aussi à cause de l’interprétation trop « sous contrôle » de fassbender qui rend son personnage un rien théorique. Comme à son habitude le réalisateur s’abstient de trop dramatiser, prenant le risque d’une certaine platitude. Elle est évitée avant tout par un rythme soutenu de bout en bout par le souci de circonscrire le récit à l’essentiel. Mais aussi par l’acharnement à filmer ce qui se cache à l’intérieur de ses personnages, ici l’obsession névrotique qui les taraude. Il fait ainsi corps avec ses sujets et nous livre un film d’une élégance rare, totalement dénué d’artifice.

Publié le 24 janvier 2012
Rarement film d’action aura fait montre d’autant d’esprit sans cependant se décliner comme une comédie. L’humour consiste ici à ne rien prendre complètement au sérieux. Il y aura toujours une touche de dérision dans l’action même, soit parce qu’elle est improbable (les sauts dans le vide), soit parce qu’un gadget par son disfonctionnement s’avère ridicule. En même temps qu’il nous rend les personnages plus humains et donc plus réels il donne au film sa respiration propre justement parce que ces touches de légèreté le revitalisent constamment (l’identification visuelle au moment de monter dans le train en est l’illustration parfaite). Ceci démultiplie les possibilités de mise en scène, ainsi le masque n’étant pas prêt pour le rendez-vous de Dubai, celui-ci est d’une toute autre nature (le malaise de Cruise face à cette tueuse mi-femme fatale mi-enfant, entrée réussie pour Léa Seydoux, est un modèle de situation à potentiel multiple). Après cette scène délirante de l’échange on retombe dans les travers du film d’action américain sous inspiré, comme si Brad Bird était soudain rappelé par un système de valeurs (l’affreuse scène d’explication qui a elle seule redéfinit le mot pathos). C’est alors que la légèreté qui parcourait tout le film se transforme en plomb, avec surenchère scénaristique et faux rythme qui en découle. Il ne s’en remettra pas. Dommage, mais la première heure trente est de toute beauté.

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