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"Pendant que je réfléchis, Woody Allen fait deux ou trois films !"

Publié le 17 octobre 2013 dans Actu ciné

Avec 9 mois ferme, Albert Dupontel revient devant et derrière la caméra avec une comédie maîtrisée. A cette occasion, Alain Lorfèvre a rencontré le réalisateur.
L’accouchement de ces Neuf mois ferme a-t-il été facile ?

L’écriture a été laborieuse. J’écris lentement. Je suis un tâcheron. Pendant que je réfléchis, Woody Allen fait deux ou trois films ! Il se passe du temps entre la volonté de raconter une histoire qui me touche et le temps de la pervertir pour qu’elle reste distrayante. Le cinéma est un art où l’on a un pied entre l’envie de raconter une histoire et un autre dans l’envie de divertissement. Ce grand écart est parfois difficile à faire. C’est parce que je vieillis : je suis moins souple !


A l’origine, vous souhaitiez faire ce film en anglais. Pourquoi ?

Terry Gilliam m’a dit un jour : "Un échec en anglais voyage plus qu’un échec en français." Malheureusement, il a raison. Mes références cinématographiques sont anglophones. Mais en France, on a une chance formidable : l’auteur est très respecté. Et tant que je n’ai pas trouvé les garanties pour faire le film que je veux, je reste prudemment en France. J’étais à deux doigts de les avoir, les garanties, mais elles m’ont échappé. Emma Thompson était intéressée par le projet. Pour vous donner un exemple, un film français, c’est en moyenne trois mois de montage. Ici, j’ai eu droit au double. Avec des projections tests dans des petits cinémas de province et l’opportunité d’écouter les gens et leurs réactions. Je suis un artisan bio. Je n’ai pas envie de faire des produits pour le supermarché.


Dans tous vos films, le personnage principal est souvent un exclu. D’où vient cette récurrence ?

Ce sont des personnages très inspirants. Même si je n’ai pas vécu dans des milieux dits difficiles, j’ai toujours eu, pour ces personnages à la marge, une fascination. Je les trouve touchants. Quand Bob apprend qu’il est père, il est bouleversé. Il s’évade. Alors que la femme dite éduquée, elle veut avorter. On trouve parfois plus d’amour dans les milieux pauvres.

Cela étant, chacun de vos films à une thématique bien précise. Comment qualifierez-vous celle-ci ?

Je voulais raconter une histoire improbable entre une juge et son jugé. La société crée un décorum de représentation de la justice : les juges sont sur un estrade et en costume. Comme au théâtre. Toutes ces fonctions font que l’individu y joue des rôles différents. Ariane ne se rend pas compte de son besoin. C’est moins un film sur la maternité que sur le déni. Son déni à elle en tant que femme et le déni de justice pour Bob. Laborie dit que l’homme a trois pulsions dans la vie : manger, boire et copuler. La tentative de copulation s’appelle parfois l’amour. On est tous des animaux, plus ou moins doués socialement. Ces petites animaux sont parfois a des années-lumière les uns des autres. A l’arrivée, tout le monde meurt. De ces considérations bassement philosophiques, j’aime bien faire des films. Le prochain sera d’ailleurs l’histoire d’une femme qui apprend qu’elle va mourir. Elle rencontre un dépressif qui, lui, veut mourir. Ce sera un film sur la peur de vivre.

Vos personnages découvrent aussi leur vocation ou leur besoin sur le tard. Vous avez dit un jour éprouver de la culpabilité à ne pas avoir terminé vos études de médecine, et en songeant à ceux qui œuvrent dans l’humanitaire. Est-ce toujours le cas ?

C’est autre chose. J’ai travaillé ma couche sociale. Cela n’a rien d’un discours. L’éducation que j’ai reçue me sert, mais en prenant le virage de faire le pantin sur scène, j’ai trahi le destin qui m’était offert, et brillamment offert, par mes parents. C’est de cette culpabilité là que je parlais. Quand je réalise un film, j’estime que je rends la monnaie de la pièce. Mais quand je fais l’acteur, je me sens un peu escroc. Pour que je tourne en tant qu’acteur, il faut que j’aie l’impression de participer à une mission. Dans mes films, je veux raconter une histoire, et si possible divertir le public. Ce n’est pas anodin. Etre acteur, ce n’est pas un métier, c’est une façon de survivre. Il faut que chaque acte ait un sens. Aligner trois ou quatre films la même année comme comédien, je l’ai fait une fois dans ma vie, mais je ne le ferai plus. Parce que je n’étais pas si indispensable que ça.

Comment avez-vous choisi Sandrine Kiberlain ?

Pour être franc, ce n’était pas un premier choix. Sandrine avait lu le scénario et l’avait aimé. Avec un peu d’arrogance, je lui ai demandé de passer des essais. Elle a accepté. Il y avait deux scènes : celle de l’autojugement et la scène où elle accuse Bob Nolan de tous les crimes depuis dix ans. Aujourd’hui, je n’arrive pas à imaginer quelqu’un d’autre dans le rôle. Elle joue un drame, pas une comédie. C’est ce décalage qui crée le comique.

La scène avec Bouli Lanners est-elle entièrement écrite ?

Oui, mais sans manquer de respect à Sandrine, s’il n’y a pas Bouli, la scène n’existe pas. Dès que je l’ai entendu lire son texte, j’ai su que c’était gagné. Le ton bonhomme, presque timide avec lequel il commente les images... Quand je lui ai donné le scénario à lire, je l’avais laissé libre de choisir son choix . Il a demandé ce rôle, qui n’a pourtant qu’une scène.


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