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Un film sur la prise de Constantinople ravive le débat sur le néo-ottomanisme

Publié le 1 mars 2012 dans Actu ciné

"Fetih 1453" dépeint la prise de Constantinople à l'empire byzantin, en 1453, épisode historique qui est source de fierté pour beaucoup de Turcs
Un film turc à grand spectacle qui glorifie la prise de Constantinople par les Ottomans ravive le débat sur la vision "néo-ottomane" qui est prêtée au régime islamiste modéré du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan. Les cinéphiles se pressent dans les salles pour voir "Fetih 1453" (Conquête 1453), qui dépeint la prise à l'empire byzantin, en 1453, de Constantinople, devenue ensuite Istanbul.

Un épisode historique qui est source de fierté pour beaucoup de Turcs, à commencer par le réalisateur. "En tant que producteur, je suis fier de notre histoire, de notre passé, comme tout le monde dans ce pays", a expliqué à la presse le réalisateur et producteur Faruk Aksoy. "La conquête d'Istanbul est un événement majeur, pas seulement pour notre pays mais au niveau de l'histoire de l'humanité, un fait qui a terminé une époque et en a ouvert une autre", a-t-il ajouté.

Depuis son lancement le 16 février, à l'heure symbolique de 14H53, environ 2,5 millions de Turcs ont vu le film, selon les données officielles du Box Office Turkey, et le record d'audience pour une production locale pourrait être battu. "Ce n'est pas le premier film sur la conquête d'Istanbul, mais c'est le premier fait en Turquie sur une telle dimension, avec un tel budget", 17 millions de dollars, explique à l'AFP l'attaché de presse du film, Filiz Ocal.

"Fetih 1453" prend un relief particulier dans la Turquie d'aujourd'hui, où la diplomatie du régime de M. Erdogan est souvent qualifiée de "néo-ottomane", avec l'ambition de restaurer l'influence de l'empire sur ses anciens territoires. Un terme récusé par le gouvernement d'Ankara. "Avec son économie en plein essor et son influence politique, la Turquie est perçue comme un modèle au Proche-Orient", explique Mensur Akgun, professeur de relations internationales à l'université Kultur d'Istanbul. "Et il n'est pas étonnant de constater que plus la Turquie devient forte, plus elle est prise en considération dans le monde", ajoute-t-il.

Dans ce regain d'influence, le cinéma joue un rôle, et surtout les séries télévisées turques, très populaires dans le monde arabe. "On peut sans doute parler d'une démarche visant à exercer une influence culturelle dans la région", estime Akif Kirecci, de l'université Bilkent d'Ankara, à propos du film. "Mais en même temps, les Turcs redécouvrent leur propre histoire", ajoute-t-il.

Selon la presse, M. Erdogan a vu le film, et l'a aimé. Cette super-production de 160 minutes s'ouvre sur un "flashback" à Médine, où le prophète Mahomet promet la félicité à celui qui fera la conquête de Constantinople. Ce sort envieux est revenu au sultan ottoman Mehmet II.

Les critiques ont salué le film comme un "événement", en notant cependant qu'il ne respecte pas la vérité historique. "C'est un événement au niveau de la qualité et de la technique, mais la réalité historique est sacrifiée aux préoccupations commerciales", estime Yilmaz Kurt, qui dirige la faculté d'histoire à l'université d'Ankara.

Les historiens critiquent notamment la scène où l'empereur byzantin fait sortir son armée des fortifications de la ville pour affronter les Ottomans. "Il aurait été stupide pour une ville état en position de défense de faire sortir son armée et de livrer bataille. Et elle n'avait pas la force pour le faire..." dit-il à l'AFP. "C'est un film qui reflète les choix du réalisateur. Un drame où l'amour n'est pas non plus absent", se défend Filiz Ocal.

D'autres commentateurs assassinent le film, l'accusant de s'inspirer des standards hollywoodiens, avec des scènes faciles du type "Gladiator" ou "Matrix". Le réalisateur balaye ces critiques, inspirées selon lui par un "complexe d'infériorité". "On n'a pas plagié seulement cinq ou six films, on en a plagié des centaines", ironise-t-il. "Chaque film a son réalisateur. Et nous aussi. Ils ont des scénaristes, et on en a aussi. Ils ont leur propre musique, et nous aussi", dit-il.


Chez nous, on peut voir le film en version originale sous-titrée en français à Bruxelles et Liège.
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